Centre d'Études et de Recherches

sur les Phénomènes Inexpliqués

Les archers fantômes de Mons (suite)

Machen et ses bowmen

Car si Machen a écrit son livre en septembre 1914 alors que les faits avaient lieu en août, il ne pouvait que reprendre une idée déjà existante et non la suggérer aux protagonistes. Le fait qu'il puisse y avoir un précédent ne dénature en rien la deuxième observation, cela ne ferait au contraire que la confirmer : il ne s'agirait plus d'un événement isolé, cela s'était déjà produit et l'auteur signale d'entrée de jeu que de semblables témoignages ont été répertoriés lors d'autres guerres survenues dans le passé. Dès lors, pourquoi pas à Mons, si ce n'est parce que cela semble invraisemblable ?

Certes, on peut facilement concevoir que des soldats placés en situation dramatique et déjà durement éprouvés par d'âpres combats soient sujets à des hallucinations. Il n'y a d'ailleurs pas eu de revirement de situation à proprement parler dans le déroulement des opérations : l'armée britannique a seulement pu se replier en évitant de bien plus lourdes pertes ! Il semble dès lors assez abusif d'évoquer la possibilité que l'on ait pu récupérer cette histoire à des fins de propagande car l'effet aurait été très relatif et limité, voire pernicieux. Allons bon ! En admettant cette histoire de fous, on pourrait en conclure qu'il aurait fallu une intervention providentielle ou même divine pour seulement éviter l'anéantissement et permettre la retraite. Mais dans ce cas, que faudrait-il donc pour gagner la guerre ?

Si on se base sur les principes bien connus de la psychologie (sportive il est vrai) on s'aperçoit que le concept d'auto-handicap permet de justifier une défaite a posteriori, notamment par la crainte de ne pouvoir gagner. Mais dans le cas qui nous préoccupe, les soldats anglais voyaient parfaitement bien que leur position était indéfendable et ils n'avaient par conséquent pas de raison de se chercher des excuses. Les seuls qui auraient pu revendiquer pareil comportement auraient été les allemands lorsqu'on leur aurait posé la question : "pourquoi ne les avez-vous pas trucidés jusqu'au dernier alors que vous étiez manifestement bien supérieurs ?" Ils auraient répondu, dépités, que des forces surnaturelles les en avaient empêché ! Piètre explication aux yeux de quelqu'un d'objectif et de rationnel ! Dans l'autre sens, nous l'avons vu, les choses demeurent tout aussi inexplicables. Cela ne tient pas non seulement à cause de la nature du phénomène lui-même mais aussi parce que les comportements respectifs sont à rebrousse-poil de ce à quoi on pourrait s'attendre en toute logique. Là où nous ne pouvons discuter les arguments sceptiques, c'est lorsqu'ils évoquent la récupération des faits exposés par Machen par des autorités religieuses. Effectivement, cela pouvait servir une certaine propagande visant à rassurer civils et militaires grâce à l'idée d'une protection divine. Il n'empêche que cela survienne toujours a posteriori par rapport aux événements et que cela ne changeait donc rien sur le moment présent.

Mais il y a plus fort encore !
Il reste que nous sommes allés plus loin dans cette investigation et il est vrai que ce n'était pas facile en l'occurrence, vu l'éloignement des faits. Fort heureusement, la chance nous a servis ! (Nous pouvons, nous aussi, avoir nos petits anges, non ?) Nous avons trouvé un auteur montois qui a écrit un ouvrage sur ce sujet et qui, forcément, a pu creuser l'histoire avec le recul et les appuis nécessaires.
David Cockney a écrit "Les Ailes de l'espoir" car cette histoire touchait sa région et ses préoccupations personnelles. Policier de son état, il est sensible au sacrifice de ces jeunes qui sont venus chez nous pour défendre, au prix de leurs vies, un pays qui n'était pas le leur et qu'ils ne connaissaient pas. C'est une visite dans un musée de Mons et la vue de l'œuvre de Marcel Gillis qui a provoqué le déclic. Le conservateur lui a expliqué que lors d'une rencontre entre vétérans anglais et allemands, il avait pu constater les vives réactions des uns et des autres : les anglais n'aimaient pas du tout que l'on parle de légende car ils étaient convaincus de la réalité de cette histoire et, après tout, c'est bien eux qui étaient aux premières lignes ! En face, chez les allemands, on se demandait toujours quelle arme secrète avaient bien pu utiliser les anglais ! Voilà qui nous paraît très probant !

Mais plaçons cette fois, si vous le voulez bien, notre enquête sous une autre optique. Supposons que cette histoire soit fausse : les soldats anglais ont tout inventé. Pourquoi ? Quel intérêt aurait-il pu en tirer ? Nous avons vu qu'ils n'avaient besoin d'aucune justification pour expliquer une défaite, même cuisante. Même le repli était parfaitement excusable puisque les forces en présence étaient par trop disproportionnées. Aucun soldat n'a pu monnayer pareille information, tout au plus fut-ce le cas d'Arthur Machen, dont c'était le métier. Que certains soldats se soient vantés d'avoir été sur place ne fait aucun doute, mais il s'agit là d'un fait que l'on rencontre partout et qui ne change en rien le témoignage des soldats effectivement présents, lesquels n'en démordent pas. On peut éventuellement penser que certains aient eu l'idée d'évoquer des faits abracadabrants de manière à se faire hospitaliser et dispenser pour raisons mentales. Mais d'une part cela ne semble pas avoir été le cas, ce n'est en tous cas stipulé nulle part, un chiasme très rhétorique qui ne se démonte nullement avec le temps : au risque de passer définitivement pour fous, ces mêmes soldats maintiennent leur témoignage alors même que la guerre est terminée et leurs opposants confirment !

Il existe malgré tout encore une autre hypothèse que certains n'hésitent pas à évoquer. Les allemands auraient, en secret, mis en oeuvre une technique astucieuse. Un système cinématographique aurait envoyé les images angéliques de manière à ce qu'elles se reflètent dans les nuages et que l'illusion ainsi provoquée sème la panique chez les anglais. Seulement voilà, l'effet produit avait été à l'inverse de celui attendu. Au lieu de décontenancer définitivement les britanniques, cela leur aurait redonné vigueur en favorisant d'abord une résistance farouche, ensuite une retraite improbable.

L'idée a quelque chose de séduisant. Le cinématographe existe officiellement depuis le 28 décembre 1895, grâce aux frères Lumière (qui profiteront d'ailleurs d'un défaut d'annuité pour s'approprier l'invention d'un concurrent, Léon Bouly). Mais, en Allemagne, c'est Max von Skladanovsky qui passe pour être le réel inventeur depuis le 1er novembre de la même année. Si le cinéma allait rester muet jusqu'en 1927, on n'en demandait pas tant pour créer ladite illusion. Or donc, techniquement, les choses n'étaient pas impossibles.
Mais il reste peu vraisemblable que l'on ait utilisé le procédé sans mettre la troupe au courant tant il apparaît évident que les résultats pouvaient être discutables sur la réalité de terrain. En effet, sans avertir ses propres forces, celles-ci pouvaient au moins être distraites et cette distraction, même momentanée, s'avérer coupable. En tout état de cause, le procédé aurait pu être révélé après la guerre et force est de constater que l'information est très lacunaire à cet endroit. A tout le moins, on peut également supposer que les soldats, quel que soit le camp envisagé, n'auraient pas tardé à s'apercevoir de ce que l'apparition était dépourvue d'impact réel et donc totalement inoffensive. Il paraît donc difficile de soutenir que cela ait été à la fois déterminant et de nature à provoquer l'hallucination.

Quelques sources font pourtant état d'interventions effectives de la part des troupes célestes. On prétend par exemple qu'elles auraient créé une sorte de barrière invisible, empêchant les allemands de passer. Machen lui-même parle d'obus contenant des gaz meurtriers (mais le cas de Machen est douteux et il figure parmi ceux qui exagèrent le plus la disproportion des forces).

Sur le plan parapsychologique, on remarque la divergence dans les observations : des individus confrontés à un même phénomène perçoivent des choses différentes. Au niveau ufologique, on pourrait évoquer une différence d'angle de vue, des transformations subites, un champ électromagnétique, sur le plan spirite des cas d'agénères.

Sur le fond, on évoquerait alors l'intervention d'âmes amies venant au secours de leur postérité ou répondant à une volonté supérieure. C'est finalement peut-être encore ce qui nous amène à un point particulièrement intéressant et souvent oublié : St-Georges est vénéré par les anglais mais il est aussi le saint patron de la ville de Mons. Si les montois ont oublié la bataille de 1914, il leur est impossible d'oublier le Doudou (dit lumeçon) qui figure au patrimoine de l'UNESCO. Si les allemands avaient voulu se servir de cette image dans une représentation cinématographique, le choix aurait été très malheureux donc, comme on peut le comprendre, d'autant que Saint-Georges apparaît dans le cadre de nombreux patronats très divers : dans l'ordre du Temple, dans l'ordre teutonique, dans l'armée bulgare, en France et même en Belgique, pour la gendarmerie à cheval ! Les représentations de Saint-Georges sont tellement multiples (Éthiopie, Géorgie et même Beyrouth) qu'il devient très hasardeux de lui donner une symbolique militaire quelconque. Par contre, si les anglais ont vu dans l'apparition céleste une représentation de Saint Georges c'est probablement parce qu'il y ont vu la croix rouge sur fond blanc qui s'avère être leur drapeau (dans un artifice cinématographique, il est aussi très peu probable que les couleurs aient été rendues vu que, en 1914, il n'y avait pas même encore de son ! Quant à la couleur...) Il serait sot, évidemment, d'évoquer ici le témoignage des forces françaises puisqu'elles ne se trouvaient pas sur place et auraient donc été bien en peine de relater quoi que ce soit (ce qui, paraît-il, aurait néanmoins été le cas et cela prêche donc en faveur d'une affabulation). Malgré tout, la problématique demeure intéressante car tant Saint-Georges que Saint Michel sont réputés pour terrasser le dragon (symbolisant les forces du mal). Il est le protecteur du peuple d'Israël, de l'Église romaine et de la France depuis les Valois, de la ville de Bruxelles, de l'Allemagne et du Burkina Faso, et le saint Patron de la Normandie et des parachutistes.
Mais revenons-en à notre fameux drapeau à la croix rouge sur fond blanc... C'est bien sous ce drapeau qu'apparaissaient les guerriers d'Azincourt, dont les archers jouèrent un rôle primordial (mais contre les français !) Si on s'écarte résolument de l'aspect rationnel des choses, il devient facile de traduire que les ancêtres des anglais en présence aient pu voler au secours de leurs compatriotes, surtout sachant les injustices déjà commises par les envahisseurs (c'est bien eux qui avaient déclaré la guerre, c'est encore eux qui étaient passés outre de la neutralité belge et c'est encore eux qui avaient pris des civils de Charleroi comme boucliers humains). On peut dès lors aussi comprendre pourquoi ces forces célestes auraient pris le parti des défenseurs de la ville de Mons. Sur le plan religieux, toutes les composantes sont donc réunies et le corollaire spirite s'impose de lui-même.

Sur le plan objectif, on n'a apparemment retrouvé aucun projectile qui aurait été tiré par l'un de ces archers fantômes, mais outre l'efficacité guerrière elle-même on ne douterait pas ou peu de l'impact psychologique. On peut imaginer, en revenant dans le domaine ésotérique, que la seule présence d'êtres de lumière, fantastiques, s'interposant face aux allemands devait avoir quelque chose d'impressionnant et de dissuasif. Même s'il n'y avait aucune action directe et donc aucun projectile ni même aucun combat proprement dit, l'effet provoqué pouvait effectivement donner le temps aux anglais de se replier en bon ordre.

En fait, dans l'état actuel des choses, il est impossible d'arriver à une conclusion quelconque, dans un sens ou dans l'autre. On de dispose que de témoignages indirects, de situations éminemment perturbées et perturbantes, des situations exceptionnelles dans lesquelles toutes sortes d'épilogues sont possibles, même les plus étranges. On pourrait encore dire que des voyageurs temporels auraient pour consigne fondamentale de ne pas modifier le cours de l'histoire, or c'est bien ce qu'ils sembleraient avoir fait...

Extension à la VOB

C'est là que l'on en arrive au comparatif avec le travail de la SOBEPS dans le cadre de la VOB (Vague d'OVNI sur la Belgique) Pour ces mêmes sceptiques, il est certain que toute cette affaire ne soit qu'une question d'influence psycho-sociologique ou socio-psychologique, c'est comme vous voulez. Et ces fameux sceptiques n'y vont pas de main morte lorsqu'il s'agit de décrier le travail de la défunte société belge. Ce serait l'impact médiatique qui aurait poussé les gens à croire à des OVNI là où il n'y avait rien de bien étrange, sauf que les choses se passaient la nuit et que, c'est bien connu, la nuit tous les chats sont gris. Pour ce qui est de la première journée d'observations, il aurait donc fallu que la presse aille vraiment très vite pour influencer à ce point 143 personnes dont des gendarmes, berner par la même occasion les enquêteurs de la SOBEPS. L'armée belge aurait donc elle aussi été hallucinée, au même titre que ses radars et deux f-16 auraient donc décollé pour donner la réplique à des... hallucinations ? En 2011, avancer encore pareille hypothèse relève du ridicule outrancier. Les principaux instigateurs de cette hypothèse sont d'ailleurs eux-mêmes revenus sur leurs propos en admettant que cette hypothèse ne tenait évidemment pas la route. C'est notamment le cas de Bertrand Méheust (Retour sur l'Anomalie belge", réflexions et perplexités sur une vague de soucoupes volantes restée inexpliquée - tout bien pesé et jusqu'à preuve du contraire) et de Pierre Lagrange.

Mais apparemment, pour les sceptiques, il est bien préférable de s'en tenir à l'ancienne version, du moment qu'elle ridiculise les efforts des ufologues, plutôt que d'admettre leurs erreurs.
Nous nous contentons donc de rétablir ici la vérité sans inviter ces sceptiques à modifier leurs textes. Chacun a bien le droit à sa part de ridicule, non ?

Pour répondre à nos questions...
Toute cette affaire n'est-elle qu'une légende, une histoire inventée de toutes pièces comme certains le prétendent ? De toute évidence, il est arrivé que des faits relatifs à la bataille de Mons aient été exagérés et il est possible qu'un cas d'hallucination se soit produit, lequel aurait gagné les autres soldats. En revanche, même après la guerre, des protagonistes des deux camps ont soutenu fermement leurs positions et ce qui figure dans "Le matin des magiciens" de Louis Pauwels et Jacques Bergier est, sur ce point au moins, absolument exact. Nous sommes formels : les sceptiques se trompent. Même s'ils n'ont pas tout faux. Il est donc incontestable qu'il ne s'agisse pas uniquement d'une légende.
Y aurait-il un rapport de cause à effet avec la VOB ? Il serait très hasardeux de voir dans cette affaire un rapport quelconque avec la VOB, étant donné que les événements se produisent avec 75 ans de décalage au moins. Néanmoins, il reste possible que le phénomène ait été provoqué par une manifestation d'OVNI mal interprétée (en 1914, on était encore loin de Kenneth Arnold et de Roswell !) Dans le cas où un rapport pourrait être évoqué, il faudrait donc envisager que le temps, la chronologie des événements terrestres ait bien peu d'importance pour nos visiteurs et à la condition que notre remarque initiale, celle de M. Vanbockestal (exposée lors de la réunion du 24 avril 2010), le seul "rapport" résiderait dans la distribution géographique ou les accointances templières. Cependant, à la lumière des nouvelles connaissances acquises lors de son entretien avec M. Rudy Cambier et de ce qu'exposent Louis Pauwels et Jacques Bergier dans "Le matin des magiciens" - l'espace et le temps n'ont aucune existence réelle. Ce sont des variables de mathématiciens et des sujets de réflexion gratuite pour les philosophes - la chose redevient envisageable. Mais, il est vrai aussi, déboussolante !
S'agissait-il au contraire d'un phénomène surnaturel, complètement indépendant ? Au sens propre, général, on peut répondre par l'affirmative puisqu'il s'agit manifestement d'une manifestation hors du commun. Il nous est impossible d'attester de la réalité, de l'authenticité de ce phénomène. On ne peut pas non plus en rejeter l'hypothèse. La seule chose que l'on puise retenir est que, le cas échéant, c'est peut-être le seul domaine dans lequel on puisse trouver une certaine logique, dans une optique religieuse.

Revenons-en à David Cockney.
Je l'ai dit en première page, je ne regretterai certainement pas l'entretien que j'ai eu avec l'auteur des "Ailes de l'Espoir" et c'est bien volontiers que je le soutiendrai dans son effort d'écriture, de publication, de documentation, car il le mérite. Non seulement l'entrevue a été très agréable et sympathique, sans prétentions, mais elle s'est également avérée très intéressante, même dans des sujets très différents. Nous nous sommes promis de rester en contact puisque d'un côté comme de l'autre nous pouvions apporter quelque chose à notre vis-à-vis, nous entraider mutuellement. Notre homme manifeste un intérêt certain pour les choses de l'étrange, le mystère et, profession oblige, reste malgré tout très rationnel. On peut être rationnel et croire en Dieu, aux anges et aux démons, ce n'est pas forcément paradoxal, ni contradictoire.
C'est peut-être même une évidence.

C'est en tous cas bien souvent ceux qui croient tout savoir qui ont le plus à apprendre...

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